Succession : Peut-on déshériter ses enfants ?

Succession : Peut-on déshériter ses enfants ?

Est-il possible de déshérité ses descendants prioritaires ?  La réserve héréditaire au profit des enfants peut-elle être légalement contournée ?

La réserve héréditaire en France est une disposition de la loi de 1804. Elle est établie selon la situation familiale et est répartie en quotité. Elle s’oppose à la quotité disponible qui est la partie librement attribuable par testament. On considère comme héritier réservataire l’époux survivant et les enfants. Dans l’hypothèse où les enfants sont décédés, la réserve héréditaire saute une génération et ce sont les petits enfants qui bénéficient de la réserve héréditaire. Rappelons-le, en France il est interdit de déshériter son enfant. Le droit stipule qu’aucun héritier réservataire ne peut être écarté entièrement de la succession. Cela serait considéré comme une spoliation (dépouillement). Cependant des cas spéciaux encadrent les comportements abusifs. S’il est en principe interdit de déshériter un enfant, le principe d’indignité qui représente quelques cas de figure rare permet par décision du législateur d’annuler la réserve héréditaire d’un héritier.

En France, il reste néanmoins possible de contourner la réserve héréditaire d’un enfant.
Tout d’abord, il est possible pour éviter d’avoir recours au droit français et donc pour contourner la réserve héréditaire, de s’expatrier en changeant de résidence habituelle. C’est le principe de l’expatriation. Depuis le 17 août 2015, le règlement de l’Union Européenne instaure le principe suivant : « la loi applicable à l’ensemble d’une succession est celle de l’État dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès ».

Pourtant, pour que la justice française reconnaisse la notion de résidence habituelle, il faut que certains critères soient respectés. Les juges procèdent à une évaluation de la vie du défunt, afin de statuer si la résidence habituelle désignée, est dans les faits, la réalité.

Il existe deux principales limites à ce moyen de contournement qui sont l’appréciation de ce qu’est la résidence habituelle et si le défunt s’est expatrié dans le seul et unique but de déshériter ses enfants. D’autre part, le cas de l’assurance-vie. Il s’avère que ce contrat est non seulement le contrat d’épargne préféré des Français mais c’est également un très bon outil pour exhéréder ses enfants. Le montant épargné tout au long de sa vie sur un contrat d’assurance-vie n’est pas à prendre en compte dans le calcul de la masse successorale. Il est dit actif hors succession. C’est pour cela qu’il est intéressant de l’utiliser pour exhéréder ses enfants. Il ne faut pas oublier de désigner un bénéficiaire à ce contrat, celui-ci peut être la personne de votre choix. En effet, verser de l’argent sur ce contrat à défaut de le laisser sur un compte bancaire permet à cet argent de ne pas être comptabilisé dans l’actif successoral du défunt et ainsi réduire considérablement la réserve héréditaire.

Il existe tout de même deux principales limites à l’utilisation de cet outil pour exhéréder ces enfants : le risque de requalification d’une prime pouvant être manifestement exagérée eu égard au patrimoine du défunt et que le contrat soit requalifié en donation déguisée. Le cas de la vente en viager, il s’agit d’une convention par laquelle une personne propriétaire d’un logement appelée "crédirentier", le vend à une personne appelée "débirentier" en échange du versement d’une rente généralement mensuelle ou trimestrielle que le débirentier s’engage à verser au crédirentier jusqu’au jour du décès de ce dernier.
La rente et les droits en usufruit s’éteignent à la mort de l’usufruitier. Sur un bien cédé en viager, le crédirentier ne se retrouve plus qu’en possession de l’usufruit. De ce fait, à la mort de ce dernier, le débirentier se retrouve plein propriétaire du bien et cela écarte le bien en question de la masse successorale du défunt.

Les deux limites de la vente en viager sont l’annulation du contrat si le crédirentier n’a pas tous ses moyens lors de la signature du contrat ainsi que la possible requalification du contrat en donation déguisée si le bien a été vendu à un prix bien inférieur à celui du marché.

Concernant la clause d’attribution intégrale, celle-ci permet de léguer à son conjoint la totalité de ses biens à son décès. Cela s’avère être un moyen de contourner la réserve héréditaire au moins au premier décès. Effectivement, à la mort du conjoint survivant les enfants hériteront cependant, ils ne bénéficieront de l’abattement parents/enfants qu’une seule fois. De plus, la transmission du patrimoine peut se faire tard ou même jamais si le conjoint survivant est jeune, cela peut être le cas dans un remariage.

La donation transgénérationnelle est un autre moyen pouvant être employé par les grands parents pour donner aux petits enfants. Ce moyen nécessite un acte notarié. La donation transgénérationnelle bénéficie d’un abattement tous les 15 ans et n’a pas de limite dans son utilisation. Ce moyen ne connaît pas de limite. Si elle ne contourne pas entièrement la réserve héréditaire, elle est un moyen de la réduire au profit des petits enfants en sautant une génération. Le trust et la fiducie sont eux aussi deux moyens qui lorsqu’ils sont mis en place permettent de contourner la réserve héréditaire. Le trust répond du droit anglo-saxon tandis que la fiducie est son équivalent français. Les deux ont des différences notables mais permettent de déshériter en partie ou entièrement. La version anglo-saxonne permet de se défaire d’un actif en transférant sa gestion à un tiers pour qu’il en assure la gestion. Ce moyen permet de déshériter un contribuable français d’un bien à l’étranger. La fiducie permet de transférer un actif dans un patrimoine fiduciaire en échange d’une dette. Il est en théorie possible de déshériter de ce bien et de l’éclipser de la succession. Cependant il existe des limites pour la fiducie. Les héritiers réservataires peuvent agir s’ils se sentent lésés, contrairement au trust anglo-saxon qui répond d’une juridiction ignorant tout de la notion de réserve héréditaire. La tontine est encore une autre méthode efficace de contournement de la réserve héréditaire au profit des petits enfants. La tontine est l’ancêtre de l’assurance vie. Elle permet de constituer un capital pour les petits enfants sur une période bloquée pouvant osciller entre 10 et 25 ans. Le but de la tontine est d’effectuer des donations aux petits enfants en profitant des abattements légaux renouvelables. Ce moyen connaît une limite ; en effet elle ne permet pas de contourner entièrement la réserve, uniquement de priver d’une partie de la réserve héréditaire. La loi indique que la renonciation à l’action en réduction permet à un héritier, de se priver de sa quotité, la laissant au profit d’un tiers ou d’un autre héritier réservataire. L’action en réduction peut porter sur une partie choisie ou sur la totalité de la quotité. Ce moyen est ainsi très efficace en termes de contournement de la réserve héréditaire. Ce moyen n’a pas de limites. En effet, lorsque l’on signe une renonciation à l’action en réduction, on est définitivement privé de la quotité. En conclusion, il existe en France des moyens de contourner la réserve héréditaire des enfants. Certains permettent de priver d’une partie de la quotité, nous pensons notamment à la donation transgénérationnelle ou la tontine. A l’inverse, d’autres permettent de priver complètement l’héritier de sa quotité à travers des moyens tels que l’assurance vie, le trust, le viager ou encore la renonciation à l’action en réduction et l’expatriation.