L’histoire derrière les Pandora Papers
Qu’est-ce que les Pandora Papers ?
Des centaines de milliardaires et de chefs d’État ont été pris la main dans le sac pour évasion fiscale.
Le nom Pandora Papers est issu de la boîte de Pandor dont la révélation apporta des problèmes, alors qu’ils seraient restés cachés et inoffensifs si l’on ne l’avait jamais ouvert.
Pour cette enquête, 600 journalistes appartenant au ICIJ et d’autres organisations ont épluché 11,9 millions de documents confidentiels transmis par une source anonyme. Ces documents proviennent de 14 cabinets d’avocats responsables de la création de sociétés off-shores de plusieurs paradis fiscaux (Îles Vierges britanniques, Dubaï, Singapour, Panama, les Seychelles…).
Qui sont les journalistes de l’ICIJ ?
Cet évènement marquant est la plus grosse enquête de l’histoire concernant l’évasion fiscale. Elle a été réalisée par le Consortium International des Journalistes d’Investigation (ICIJ) sur les paradis fiscaux et les sociétés off-shores. L’ICIJ est un organisme à but non lucratif comptant 100 médias internationaux et plus de 280 journalistes à travers le monde. Leur rôle est d’investiguer de façon approfondie sur des sujets très divers, toujours très sensibles, où de gros profits sont réalisés sur le dos des plus pauvres et ce, dans le monde entier.
Parmi les enquêtes visées par l’ICIJ, il y a le commerce de corps humains recyclés dans des implants médicaux ; les dégâts de l’industrie minière australienne en Afrique ; les excès de la pêche en mer ; le rôle occulte des compagnies militaires privées dans des zones de guerre ; l’influence du lobby du tabac sur les marchés émergents des pays en développement. Néanmoins, les affaires mondiales les plus bruyantes et nombreuses restent celles de la mise au grand jour de l’évasion fiscale car elles concernent des personnalités politiques de tous les pays du monde (surtout quand certains expriment publiquement leur envie de lutter contre l’évasion fiscale, en profitent).
Comment l’évasion fiscale fonctionne ?
Il est important de savoir que l’évasion fiscale est toujours adossée à un paradis fiscal. Ces pays en question n’ont pas de convention fiscale avec le pays des intéressés, tel que les pays d’Europe. Une convention fiscale est un traité entre deux pays visant à s’assurer les déclarations de revenu ou bénéfices des personnes physiques ou morales et d’éviter une double imposition lors de cesdites déclarations. Cela permet d’avoir une transparence pour le pays où l’impôt n’est pas payé en indiquant que la personne l’a acquitté dans le pays respectif.
La territorialité
La territorialité nous indique où est ce que les entreprises doivent être imposées. Elles seront imposables en France, si les bénéfices des entreprises sont exploités en France. On considère qu’une entreprise est exploitée en France dans les 3 cas suivant :
- Lorsque l’activité est réalisée dans une installation matérielle (locaux) permanente (au moins un an) et autonome (qui fonctionne seul, qui dispose de son personnel, de sa gestion et des machines). La richesse créée par la succursale en France devra, quelle que soit l’origine du siège de l’entreprise, payer ses impôts en France (établissement stable).
- Lorsque l’activité est réalisée par l’intermédiaire de représentants de l’entreprise n’ayant pas de personnalités professionnelles distinctes de celle de l’entreprise qui les emploient et qu’ils n’ont pas leur propre personnalité professionnelle, s’ils ne sont pas indépendants alors c’est qu’ils sont salariés de l’entreprise qui les emplois.
- Lorsque l’opération réalisée constitue un cycle commercial complet en France sous réserve de disposition fiscale internationale. Exemple : j’achète et je revends des produits en France alors je paye mes impôts en France. Les conventions fiscales sont différentes en fonction du pays, certaines opérations peuvent se conclure sur un impôt extérieur.
Si les entreprises cochent au moins une des cases précédentes, alors elles doivent déclarer leur résultat courant avant impôt en France, si leur résultat sont déclarés ailleurs, alors il y a évasion fiscale.
Différence entre optimisation fiscale et fraude fiscale.
Avant toute chose, l’optimisation fiscale des personnes physiques et morales est mise en place par les États eux-mêmes, dans les pays n’étant pas des paradis fiscaux. La mise en place des dispositifs de défiscalisation permet aux États d’orienter les capitaux vers des secteurs délaissés par les gouvernements par manque de moyens.
Les dispositifs de défiscalisation sont toujours associés à un investissement réalisé de près ou de loin par des personnes où l’état n’a pas assez de moyens pour agir, néanmoins la fiscalité est toujours présente sur les revenus ou les bénéfices.
Les dispositifs de défiscalisation doivent être considérés comme des bonus liés à un investissement ou à un montage social, financier, juridique ou fiscal mais en aucun cas ne doivent correspondre à annuler l’imposition ou à appliquer des taux d’impositions privilégiés vis-à-vis des pratiques courantes selon les pays.
L’évasion fiscale se pratique également par des montages juridiques, financiers et fiscaux mais ces montages se font par l’intermédiaire de sociétés d’avocats qui se chargent de créer des sociétés dont le siège se trouve dans un paradis fiscal. Ces sociétés sont opaques dans la mesure où il n’y pas de publications de l’identité des associés, ni de publications des liasses fiscales qui reprennent l’activité complète d’une société au cours d’une année. Nous ne savons alors absolument rien de ce qui peut être pratiqué comptablement dans ces pays et ces opérations ne sont pas déclarées aux pays respectifs aux porteurs de parts de ces sociétés.
Pourquoi les évadés fiscaux préfèrent acheter des villas et yachts depuis leurs sociétés écrans plutôt que par leurs sociétés françaises ?
Cette question peut paraître bateau, mais en réalité, la majorité diront “Ils n’auront pas à les déclarer et payer des impôts dessus”. Il est quand même bon de rappeler que des biens détenus par l’intermédiaire de sociétés imposées à l’IS (Impôt sur les Sociétés) ne sont pas assujettis à l’IFI (Impôt sur la Fortune Immobilière), ou anciennement à l’ISF (Impôt de Solidarité sur la Fortune).
Ce qui intéresse le plus les fraudeurs est la façon dont ils peuvent déduire et amortir l’acquisition des biens qu’ils achètent, ce qui est impossible dans un pays tel que la France.
En effet, la déduction des charges doit respecter 6 conditions, 4 conditions de fonds et 2 formes.
Les 4 conditions de fonds :
- Les charges doivent se rattacher à la gestion normale de l’entreprise ce qui exclut les dépenses relatives à des actes anormaux de gestion.
- Les charges doivent être engagées dans l’intérêt de l’entreprise ce qui exclut les dépenses à caractère personnel du dirigeant ou de sa famille.
- Les charges doivent se traduire par une diminution de l’actif net de l’entreprise ce qui exclut les acquisitions d’immobilisations. Toute fois l’administration admet la déductibilité en tant que charge des acquisitions de matériel et petit mobilier de bureau d’une valeur unitaire inférieure ou égale d’une valeur de 500€ hors taxe.
- Les charges ne doivent pas concerner les dépenses somptuaires, c’est-à-dire exclusivement les 4 dépenses suivantes, étant considérées comme trop somptueuse pour être qualifiées de normales.
- Les dépenses de toutes natures relatives à la chasse ou à l’exercice non professionnel de la pêche.
- Les dépenses liées à l’acquisition, la location ou l’entretien de yacht ou de bateau de plaisance à voile ou à moteur.
- Les dépenses liées à l’acquisition, la location ou l’entretien de résidence de plaisance, sauf si les dépenses sont engagées en faveur du personnel de l’entreprise.
- L’amortissement des voitures de tourismes pour la fraction de leur prix d’acquisition qui dépasse l’un des 4 seuils suivants :
- 30 000€ TTC si émission de CO2 < 2g /km
- 20 800€ TTC si l’émission de CO2 est comprise entre 20g/km et 60 g/km
- 18 300€ TTC si « » 60g et 150g
- 9 900€ TTC si émission de CO2 > 150g
Remarque : les dépenses somptuaires sont déductibles lorsqu’elles sont en rapport direct avec l’activité de l’entreprise.
Les 2 conditions de forme :
- Les charges doivent être comptabilisées au titre de l’exercice au cours duquel ils ont été engagés, une charge ne peut être déduite que l’année de son engagement.
- Les charges doivent s’appuyer sur des justificatifs.
Qui est incriminé dans les Pandora Papers ?
Nous comprenons par la même occasion que les personnes pouvant mettre un terme aux paradis fiscaux en profitent elles-mêmes, raison pour laquelle nous pouvons penser qu’il n’y a pas d’incitation à y mettre fin.
Un document issu des Pandora Papers révèle notamment que grâce à un seul cabinet d’avocats panaméen dirigé par un ancien ambassadeur panaméen aux États-Unis, des banques situées à différents endroits du globe ont créé au moins 3 926 sociétés off-shores. Connu sous le nom d’Alcogal, ce cabinet possède des bureaux dans une douzaine de pays. Selon les documents révélés par l’ICIJ et ses partenaires, il a créé au moins 312 sociétés dans les seules îles Vierges britanniques, à la demande du géant américain de la banque Morgan Stanley.
En France, 13 pays sont inscrits sur la liste noire des paradis fiscaux en 2021, à savoir : Anguilla, Dominique, les Fidji, Guam, les Îles Vierges américaines, les Îles Vierges britanniques, Palaos, Panama, les Samoa américaines, Samoa, les Seychelles, Trinité et Tobago et Vanuatu.
Le Conseil de l’Union européenne vient d’en retirer trois : Anguilla, la Dominique et les Seychelles. Tous trois sont désormais placés sur la liste des pays qui se sont engagés à mettre en œuvre les principes de bonne gouvernance fiscale.
29000 sociétés, 336 politiciens, 130 milliardaires, 35 présidents et 90 pays concernés dont 600 français.
Quelques français... :
- Sylvain Maillard, député LREM, l’objet de sa société était “La vente de toupie Beyblade”, détenu à 25%, n’ayant rien à voir avec la société Hasbro.
- Nicolas Perruchot, ex-député du Loir-et-Cher, qui a signé en 2009 le rapport d’information contre l’évasion fiscale.
- Dominique Strauss-Kahn, ancien candidat au Parti Socialiste, conférencier international, ex-président du FMI, ex-ministre de l’économie.
...Et fraudeurs d’ailleurs :
- Le Roi de Jordanie, Abdallah 2
- Président du Kenya, Uhuru Kenyatta
- Premier ministre de Tchéquie, Andrej Babis
- Ministre de l’économie brésilien, Paulo Guedes
- Directeur Général de la première chaîne Russe, Konstantin Ernst
- Premier ministre libanais, Najib Mikati
- Président équatorien Guillermo Lasso
- Président ukrainien Volodymyr Zelensky
- Président gabonais Ali Bongo
- Premier ministre ivoirien Patrick Achi
- Président congolais Denis Sassou-Nguesso
- etc
Économie d’impôt réalisée ?
Pour être honnête, l’information n’a pas encore été rendu public. Bruno Le Maire a annoncé avoir « demandé à la Direction générale des finances publiques (DGFIP) de vérifier si des résidents fiscaux français ont fraudé. Si c’est le cas, en lien avec la justice, [elle] engagerait, sans délai, les démarches fiscales et pénales qui s’imposent ».
Il faut également rappeler que tous les noms présents sur la liste des 600 français ne seront pas forcément redressés fiscalement. En effet, durant les Panama Papers, seul 115 en 2016 ont abouti à d’importants redressements. «115 dossiers sur 600 (19%) ont donné lieu à des rectifications pour un montant de 167 millions d’euros, constitué de droits et pénalités, de régularisation», a détaillé Jérôme Fournel. Cinq ans après, certains dossiers sont toujours en cours. Preuve que les enquêtes prennent du temps.
Pourra-t-on mettre un terme aux paradis fiscaux ?
Pour ou contre, il faut garder à l’esprit que la fiscalité est mise en place pour apporter une justice sociale dans un pays grâce au prélèvement des sociétés et des ménages les plus aisés afin de les redistribuer en numéraire ou en nature à la population. En revanche, nous observons que les personnes utilisant les paradis fiscaux sont celles qui ont le pouvoir d’y mettre fin. Certains se défendent en disant qu’il existe des paradis fiscaux seulement car il existe des enfers fiscaux.